
Si l'impact positif de la capacité à innover n'est plus à prouver, il ne faut pour autant pas oublier que toutes les entreprises ne sont pas forcément structurées pour innover. Ainsi, dans un article intitulé Why big companies can’t innovate, Maxwell Wessel prend l’exemple de l’entreprise américaine de nourriture pour bébés Gerber qui a échoué à lancer Gerber Single, sa gamme de plats cuisinés destiné aux jeunes adultes (le type de gamme qui a remporté un franc succès lorsqu’elle a été lancée par des start-up). Gerber, explique-t-il, est représentative des entreprises dont la Raison d’Être n’est plus d’inventer mais de délivrer : identifier un problème et lui apporter une solution, c’est pour les start-up. Les entreprises, elles, sont rodées pour un tout autre job : mettre en place et assurer l’industrialisation de la délivrance de cette solution, grâce à une structure organisationnelle adaptée et des process lourds optimisés.
Prendre conscience de ses limites et accorder plus d’autonomie et de liberté à ses équipes
Selon Wessel, la plupart des entreprises ont ainsi une structure telle qu’elles ne sont capables de répondre qu’à la question suivante : « comment peut-on faire, en un peu mieux et en un peu moins cher, ce qu’on fait déjà ? » Pour lui, c’est clair : l'innovation ne peut pas naître ainsi…
En outre, il y a un risque réel à vouloir faire de l’« innovation disruptive » alors qu’on est déjà bon dans ce qu’on fait. Mais, dit-il, pour ceux « qui souhaitent consolider leur croissance grâce à l’innovation, la solution réside dans la reconnaissance des limites de son organisation et l’autonomisation de groupes aux objectifs et moyens opérationnels différents. Pour donner aux équipes la liberté de créer Odwalla Smoothies plutôt que de les forcer à entrer dans un moule dont ne pourra sortir que Gerber Single. »
Prendre conscience de ses limites et accorder plus d’autonomie et de liberté à ses équipes : voilà ce qu’il est conseillé de faire à toute entreprise souhaitant entamer une transformation vers plus d’innovation. Ainsi, Pernod-Ricard a décidé en 2014 d’installer une équipe de sept créatifs dans un bureau dans le Marais, loin de leur QG, pour « rompre avec les routines internes propres à une grande entreprise ».
BCG, justement, a étoffé son rapport avec tout un tas d’articles passionnants, dont S’organiser pour l’innovation digitale où sont détaillés les points communs des entreprises les plus innovantes. En l’enrichissant d’autres articles qui nous inspirent et en puisant dans notre propre expérience, nous avons établi notre liste perso des neuf tips pour être plus innovant. Ils ne sont bien sûr pas exhaustifs, et ce n’est bien entendu pas une science exacte, car nous aurions sinon inventé une recette miracle et pèserions déjà des dizaines de milliards de dollars en bourse, mais il sont un bon point de départ pour tout CIO qui prend son poste.

1. Pourquoi on fait ça, déjà ?
SPOILER ALERT : « pour faire comme tout le monde » n’est pas une réponse ! Tendayi Viki, dans un article paru dans Forbes, explique que les raisons qui vous poussent à mettre en place ces changements doivent être claires afin de poser les bases indispensables à la transformation de la culture d’entreprise (sans bullsh*t si possible : il recommande d’éviter les discours génériques à base de « devenir une entreprise plus innovante bla bla bla », mais conseille d’expliquer comment le monde est en train de changer, quelles tendances clés affectent le business de votre société et quel va être le plan pour utiliser l’innovation afin de contre-attaquer).
2. Le client au centre
Quelles que soient vos raisons d’innover, le BCG rappelle qu’elles sont censées n’aller que dans un sens : satisfaire les besoins et désirs du client (qu’il faut chérir et dont l’expérience doit être la meilleure possible, on ne vous le répètera jamais assez). Si votre client n’a que faire de vos innovations, qu’elles ne lui facilitent pas la vie ou ne la lui rendent pas meilleure, vous ne pourrez pas innover bien longtemps.
3. Faire un bilan
Tendayi Viki recommande de réaliser avant toute chose une étude approfondie de l’entreprise : quels sont ses précédents succès ? Quelles initiatives ont échoué et quelles sont les raisons de cet échec ? Cela permettra également de déceler les early adopters au sein de l’entreprise, ces services qui comprennent avant les autres « comment le monde change et ce qui doit être fait » et sur lesquels il est conseillé de s’appuyer pour initier son agenda de transformation.

4. Tout le monde à bord
Votre entreprise ne pourra pas se transformer si les salariés ne sont pas impliqués dans ce changement. Tendayi Viki nous prévient : « c’est une bataille pour le cœur et l’esprit », pourtant il est formel sur l’importance de s’assurer du soutien idéologique du management qui doit être votre « couverture aérienne » quoi qu’il arrive, et du soutien opérationnel du middle management, indispensable pour une mise en œuvre au quotidien de la politique de transformation. Comme nous le répétait une DRH qu’on adore, pour transformer une entreprise, il faut passer par « la tête, le coeur et les mains : faire comprendre, faire aimer, faire faire ».
5. Transversalité diversité des expertises
Le BCG recommande d’éviter les « silos fonctionnels », en associant dans une même équipe des expertises variées. Ainsi, les idées et les données circuleront mieux et seront plus aisément exploitées. Comme on l’explique dans notre conférence sur l’Intelligence Collective, l’expérience de Asch est à ce sujet très révélatrice du potentiel de stupidité collective d’un groupe monolithique. Dans un article paru sur fastcompany.com, Ben Schiller explique même que la diversité prise au sens large est bénéfique pour l’innovation et cite une étude qui a montré que les entreprises qui remplissent le plus les exigences de diversité annoncent en moyenne deux nouveaux produits par an, le double d’une entreprise classique.
6. Agilité
Derrière ce mot à la mode il y a un principe très simple : réduire les temps de décision et les délais d’allocation de ressources humaines et financières pour fluidifier le process. Cela passe par une responsabilisation des équipes et l’octroi d’une plus grande liberté d’agir ; le BCG conseille également de se concentrer sur un petit nombre d’indicateurs clés de performance simples et clairs. Tendayi Viki insiste quant à lui sur l’importance, tout en restant ferme sur les principes qui motivent les décisions, de savoir faire preuve de souplesse sur les techniques employées pour leur mise en œuvre.

7 . Place à l’expérimentation
Les entreprises les plus innovantes selon le BCG n’hésitent jamais à « essayer, échouer, s’améliorer ». Elles ne craignent pas l’échec mais lorsque quelque chose marche elles sont capables d’avancer rapidement. Différentes méthodes permettent de faciliter cette expérimentation et notamment la méthode Google Design Sprint que BrainsWatt propose en workshop. Et à propos d’échec, ne soyons pour une fois pas trop chauvin : quand nous disons « prendre un risque », les anglos-saxons traduisent, eux, par « take a chance », ce qui les prédispose sans doute plus favorablement à l’innovation. N’ayez pas peur d’échouer, vraiment : « Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends » disait un grand homme…
8. Une organisation optimisée
Le BCG recommande de viser "l’excellence opérationnelle", avec une organisation solide tout en restant simple. Les structures et process doivent être standardisés, les rôles et responsabilités clairs et l’amélioration continue. Une première étape peut être, comme le conseille Annabel Acton, de remettre en question les activités quotidiennes qu’on accomplit les yeux fermés. Amazon, par exemple, a renversé le process d’idéation en commençant par rédiger le communiqué de presse d’une idée puis, s’ils y parviennent, rédigent les FAQ, puis le mode d’emploi… et ainsi de suite jusqu’à l’expérimentation.
9. De petits changements pour une rapide première victoire
Annabel Acton recommande aussi de commencer par de petits projets. D’abord parce que c’est souvent une accumulation "de petites choses nouvelles qui s’additionnent pour faire une grande différence", mais également parce qu’ainsi vous augmenterez vos chances d’atteindre plus vite une première victoire qui, comme le rappelle Tendayi Viki, crédibilisera votre plan de transformation et vous assurera une plus rapide confiance des équipes.
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La liste des compétences à avoir pour être une entreprise innovante est immense, et nous voulions ici partager les plus simples à implémenter, afin qu’elles puissent nourrir, le cas échéant, votre réflexion stratégique. Pour aller plus loin, nous vous suggérons les lectures suivantes :
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